samedi 28 novembre 2015

Le Mud Bowl


En 1950, la Coupe Grey a eu lieu à Toronto, au Varsity Stadium.  Le stade de l’Université de Toronto n’avait déjà pas le plus beau terrain à ce moment.  Mais ce n’était pas tout.  Chose inhabituelle pour Toronto à la fin novembre, vingt centimètres de neige étaient tombés.  Un camion devait dégager le terrain, mais lorsque la neige s’est changée en pluie, il s’est embourbé.  Un autre camion a dû intervenir pour le tirer de là, avec l’effet que l’on peut imaginer sur l’état du terrain.
 
Au début du match, les conditions étaient déjà affreuses.  Il y avait des flaques de boue et des morceaux de glace.
 
Au niveau sportif, les Argonauts étaient légèrement favoris face aux Blue Bombers.  La pluie constante n’allait pas arranger les choses à l’attaque portée vers la passe de Winnipeg.
 
Au premier quart, un botté de Joe Krol s’est retrouvé dans la zone des buts pour ouvrir la marque avec un simple, 1-0 Argos.

Au deuxième quart, le botteur Nick Volpe a enchaîné avec deux placements et porté le pointage à 7-0 à la demie.
 
https://www.youtube.com/watch?v=qSXLROlS1S4

Les Bombers ont alors demandé une permission spéciale pour changer leurs uniformes complètement souillés, ce qui pouvait impliquer de changer de numéro des joueurs.  La permission leur a été accordée.  Les deux équipes ont ainsi retourné sur le terrain, qu’aucune toile ne protégeait pendant la pause.
 
S’est ensuite passé un événement qui a marqué l’imaginaire.  L’arbitre Hec Creighton a aperçu Buddy Tinsley allongé, face au sol.  Creighton a alors retourné l’imposant joueur de ligne des Bombers sur le dos.  La légende veut que Tinsley était sur le point de se noyer dans une marre d’eau.  Tinsley a plus tard assuré que ce n‘était pas le cas.  Selon sa version des faits, il avait aggravé une blessure et comme on avait enrubanné son genou de façon très serrée, il avait de la difficulté à bouger.
 
Le quart des Argos Al Dekdebrun a eu le dessus sur son vis-à-vis Jake Jacobs, qui a accordé quelques revirements dans des conditions lamentables.  Dekdebrun a marqué lui-même le seul touché du match sur une course de quatre verges.  Ce dernier avouera plus tard qu’il avait pu mieux contrôler les éléments en demandant au soigneur d’enrubanner des broches à ses doigts pour pouvoir avoir une meilleur emprise sur le ballon.
 
 
Toronto l’a emporté 13-0, dans ce qui a été la première de cinq Coupes Grey de l’entraîneur Frank Clair.  Il s’agit de la dernière fois qu’une équipe ait été blanchie à la Coupe Grey.
 
Sources :
 
Currie, Gordon, 100 Years of Canadian Football, Pagurian Press, 1968,
 
Drake, Stephen, Weird facts about Canadian Football: Strange, wacky & hilarious stories, OverTime Books, 2009, p.31 à 33,
 
Januska, Michael, Grey Cup Century, Dundurn, 2012, p.97 à 99,
 
« Canadian-born players in Limelight » de Vern DeGeer, 26 novembre 1950, Montreal Gazette, p.20.

vendredi 13 novembre 2015

Le Canadian Football Act



 

Nous sommes au début des années 70 et fort de son expérience à avoir lancé la American Basketball Association et la World Hockey Association (Association mondiale de hockey), Gary Davidson, l'homme à l'origine de ces ligues rivales, décide de s'attaquer au football professionnel. Il faut dire qu'à l'époque, la NFL était celle qui, dans les 20 dernières années, avait eu le plus à se battre contre des ligues rivales, assimilant la AFL (American Football League) et poussant la moins célèbre Continental Football League (qui avait une équipe à Montréal) vers le néant. Davidson par contre avait de son côté des alliés de taille dans la plupart des villes nord-américaines en ce que des propriétaires d'équipes de ses autres circuits l'aidèrent à mettre sur pied des équipes. La première saison de la ligue était prévue pour 1974.
 
Parmi ces alliés, il y avait un dénommé John F. Bassett.  Bassett était une ancienne star canadienne du tennis provenant d'une famille très riche de la région de Toronto.  Son père avait entre autres créé CFTO, la première station de télé privée de Toronto, qui devint la station phare du réseau CTV.  Bassett fils était alors en affaire avec Davidson en ce qu'il était le propriétaire des Toros de Toronto, équipe de la WHA supposée rivaliser le marché de Toronto avec les Leafs. 




Ainsi, lors de l'annonce des premières équipes de la WFL, une équipe de Toronto pilotée par Bassett, les Northmen de Toronto, était supposée entrer dans la ligue lors de la saison initiale. Allant encore plus de l'avant, Bassett mit la main dans son portefeuille et alla chercher trois joueurs vedettes des puissants Dolphins de Miami, Larry Csonka, Jim Kiick et Paul Warfield.  Rappelons qu'à l'époque, les Dolphins sortaient de ce qui constitue toujours la seule saison parfaite de l'histoire de la NFL, remportant tous les matchs jusqu'au Super Bowl VIII.
 
Alors que tout le monde aurait dû être heureux de voir cette équipe arriver en ville, d'autant plus que les Argonauts étaient dans des années de vaches maigres, le discours alla à l'inverse. L'arrivée du football américain était alors perçu comme une menace au football canadien même, véritable institution de la culture pan-canadienne (selon certains). Ainsi, l'arrivée d'une équipe de football américain à Toronto défiait le football canadien en menaçant l'existence des Argonauts de Toronto et du même coup probablement l'existence de la LCF tout court.  Sans équipe à Toronto, cette ligue pan-canadienne perdait un de ses ports d'attache les plus important.
 
La chose alla si loin que le gouvernement fédéral de monsieur Pierre Elliott Trudeau déposa en chambre une loi nommée le Canadian Football Act.  Cette loi voulait protéger le caractère unique du football canadien et ainsi interdire le football américain en sol canadien.  On se rappellera des efforts de Trudeau pour constituer, construire une sorte de nationalisme canadien, une identité propre aux canadiens, voulant ainsi se distinguer de la culture britannique et américaine.  Ainsi, en votant une loi qui allait garantir le monopole de LCF au Canada, Trudeau voulait signifier que le football canadien était une grande constituante de la culture canadienne, ce qui nous distinguait de la culture américaine. 
 
Devant toute cette commotion, on ne veut pas nécessairement finir par avoir une loi fédérale contre vos projets d'affaire dans la vie.  Bassett décida donc de prendre ses clics et ses claques et déménagea l'équipe à Memphis.  L'équipe prit le nom Southmen et prit un ours brun comme logo au lieu d'un ours polaire. Étrangement, la deuxième fois qu'une équipe partira du Canada pour Memphis, elle aura un ours également comme logo, les Grizzlies de la NBA. Et justement, le surnom de l'équipe fut les Grizzlies... Après le "déménagement" de l'équipe, le texte de loi qui était rendu en deuxième lecture fut abandonné...
 
Depuis, une seule équipe de football américain joua au Canada, la Machine de Montréal... 
 
Les Southmen jouèrent deux saisons dans la WFL avant que cette ligue ne disparaisse...
 
Toujours étrangement, le football professionnel revint à Memphis sous les offices de la CFL au début des années 90, avec les éphémères Mad Dogs.
 
Des trois ligues rivales que Gary Davidson mit sur pied, la WFL fut la seule dont aucune ne fut incorporée à la ligue avec qui elle voulait rivaliser... Les Southmen et les Americans de Birmingham, les deux équipes les plus stables de la ligue, tentèrent fortement de joindre la NFL, allant même en cour avec la chose, mais en vain... Une bonne partie de l'alignement et l'entraîneur des Southmen se joignirent aux Giants de New York pour la saison 1976.

L'équipe de Washington de la WFL était supposée se nommer les Capitals de Washington, mais l'équipe d'expansion de la LNH avait les droits pour ce nom...

Les Argonauts de Toronto ne remportèrent aucune Coupe Grey durant les années 70...
 
Le Canadian Football Act allait aussi loin que de mentionner que personne ne peut posséder, diriger ou opérer une équipe de football professionnel au Canada en dehors de la LCF... 
 
Les maires de Toronto, Montréal et Vancouver s'étaient ouvertement opposés à cette loi... 
 
Texte de Martin Itfor, initialement publié sur pucktavie.blogspot.ca
 

jeudi 5 novembre 2015

Bill Baker


Du milieu des années 1960 au milieu des années 1970, les Roughriders de la Saskatchewan avaient une bonne équipe, mais pour toutes sortes de raisons, elle semblait incapable de mettre la main sur la Coupe Grey.  En fait, ce n’est qu’en 1966 qu’elle y est parvenue.
 
C’est au sein de cette équipe qu’arrive Bill Baker en 1968.  Dès son année recrue, l’ailier défensif se joignit à la défensive la plus avare de points de la ligue, même par rapport aux équipes de l’est, qui jouent pourtant deux matchs de moins.  En 1969, Saskatchewan, qui s’était encore mérité le titre dans l’ouest et avait encore été la meilleure défense de la ligue, atteignit une fois de plus la finale, contre les autres Rough Riders cette fois.  Le match, qui s’est déroulé à l’Autostade de Montréal, a finalement permis au quart d’Ottawa, Russ Jackson (voir texte du 4 décembre 2012), de s’illustrer dans ce qui fut le dernier match de sa carrière.  Saskatchewan s’est incliné 29-11.
 
 En 1971, on souligna le travail de Baker en le nommant au sein de l’équipe d’étoiles de l’ouest.
 
En 1972, il fut choisi sur l’équipe d’étoiles de la ligue.  De leur côté, les Riders montrèrent une fiche ordinaire de 8-8, mais ils se faufilèrent quand même jusqu’en finale.  Ils s’inclinèrent par contre à nouveau, cette fois devant Hamilton, dans ce qui fut le dernier match d’Angelo Mosca (voir texte du 2 septembre 2012).  La défensive avait fait le boulot du côté des Riders, mais l’attaque a été contenue, dans une défaite de 13-10.
 
L’année suivante, Baker fut encore choisi au sein de l’équipe d’étoiles de la ligue, avant de se retrouver ensuite avec les Lions de la Colombie-Britannique, une équipe moins forte.  Ça ne l’empêcha pas d’être de nouveau sélectionner sur l’équipe d’étoiles de la ligue.  En 1976, au sein d’une équipe médiocre, Baker fut non seulement choisi sur l’équipe d’étoiles, mais il reçut également le titre de joueur défensif de la ligue.
 
En 1977, il retourna en Saskatchewan, mais ce fut à leur tour d’éprouver des difficultés.  Baker passa ses deux dernières campagnes avec des formations très ordinaires.  En bout de ligne, malgré une carrière remarquable de onze ans, Baker n’a jamais remporté la Coupe Grey.
 
Baker refit surface avec les Riders en 1987, mais ceux-ci étaient toujours dans leur mauvais cycle.  Nommé directeur-gérant, l’équipe connut une saison difficile en 1987 (5-12-1), mais une bien meilleure en 1988 (fiche de 11-7).  Toutefois, après deux ans, il poursuivit d’autres projets.
 
Baker ne disparut par contre pas du monde du football.  Il suivit les traces de Jake Gaudaur (voir texte du 11 novembre 2012) et Doug Mitchell et fut suivi plus tard par Larry Smith (voir texte du 29 septembre 2013) en tant qu’ex-joueur qui prit la tête de la Ligue canadienne.  Il sera président pendant un an, en 1989.  Ironiquement, c’est au cours de cette même année que les Riders se méritèrent finalement leur deuxième Coupe Grey, mais Baker n’y était plus.
 
Celui qu’on surnommait "The Undertaker" (le fossoyeur) lorsqu’il jouait fut admis au Temple de la renommée du football canadien en 1994.
 
Sources : cflapedia.com, wikipedia.org.